À l'occasion des 120 ans de la loi de séparation des Églises et de l'État, la laïcité en France est au cœur d'un débat de plus en plus polarisé. Elle incarne un des piliers de la République, pourtant mal comprise et souvent utilisée à des fins politiques. Les récents événements ont mis en lumière des fractures qui traversent la société française, entre vigilance et crispation politique.
La loi du 24 août 2021, destinée à lutter contre "le séparatisme", a intensifié les discussions sur la neutralité de l'État. Michel Gauthier, sociologue à l'université de Paris, affirme que le débat est devenu "un terrain d'affrontement plutôt qu'un espace de compréhension". L'école est l'un des principaux lieux où ces tensions se manifestent. La loi de 2004 interdit les signes religieux ostentatoires, mais l'apparition de nouvelles tenues comme l'abaya a rouvert des controverses.
En 2023, le Conseil d'État a validé leur interdiction, faisant écho à une interprétation stricte de la laïcité. Parallèlement, la Loi confortant le respect des principes de la République a octroyé des pouvoirs supplémentaires aux préfets pour suspendre des actes locaux qui pourraient nuire à l'intégrité républicaine. L'affaire du burkini à Grenoble a illustré cette dynamique, le Conseil d'État ayant déclaré illégale une délibération municipale se conformant à une revendication religieuse.
Les lignes politiques s’affinent également autour de la laïcité. D'un côté, le gouvernement met en avant un cadre strict, lié à la lutte contre l'islamisme, tandis que d'autres partis, comme le Rassemblement National, défendent une vision adaptative, marquée par des critiques sur la visibilité de l'islam. À gauche, le clivage est tout aussi perceptible, avec des mouvements divisés sur la manière de traiter la question laïque. D’une part, le Printemps Républicain espère une laïcité engageante, alors que des figures comme Jean-Luc Mélenchon avertissent contre une interprétation qui cible principalement l'islam.
L’affaire du Fonds Marianne en 2023, initialement conçu pour soutenir un discours républicain en réponse à l'attentat de Samuel Paty, a également révélé des dérives. Enquête du Parquet national financier et accusations de favoritisme ont ébranlé la crédibilité de cet outil politique, déjà controversé.
Enfin, un fossé générationnel s'est creusé, selon des sondages, 60 % des jeunes musulmans perçoivent la laïcité comme un prétexte de discrimination. Jean-Louis Bianco, ancien président de l’Observatoire de la laïcité, note que le débat sur la laïcité ne devrait pas être une arme à des fins partisanes, mais doit plutôt rassembler les citoyens autour de valeurs communément partagées. La laïcité, malgré ses usages, demeure essentielle, et le véritable défi réside dans sa mise en œuvre équitable et inclusive.







